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Concevoir un intranet de formation : une ingénierie à la fois pédagogique et technologique

Ateliers

Par Jean-Louis Schaff

Publié en ligne le 30 août 2006

Résumé : Dés le début de cet atelier, les participants sont invités à exprimer leurs perceptions de ce qui est pour eux un intranet et leur « raisons » de l’utiliser, de le développer. S’appuyant sur ces réactions et sur de nombreuses expériences, l’animateur s’interroge plus largement sur l’utilisation des TIC. Les effets bénéfiques des TIC ne sont possibles qu’à certaines conditions, qu’elles prennent en compte, entre autres, les besoins effectifs et les compétences des différents acteurs. Lorsque de nouveaux usages apportent un gain réel, ils sont intégrés et le changement redouté apparaît alors comme un service parmi d’autres.

Dans les ateliers organisés lors de colloques, il est fréquent que seules quelques personnes puissent s'exprimer. Ces ateliers fonctionnent aussi, assez souvent, comme des séances de grand groupe en miniature, c'est-à-dire que les questions posées par les participants restent dépendantes de l'exposé initial de l'animateur. Tenant compte de cela et de la nature du sujet à traiter : « conception, usages d'intranets de formation », il m'a semblé plus utile de donner d'entrée de jeu la parole aux participants de cet atelier et d'échanger sur nos perceptions/conceptions de ce qu'est ou peut être un intranet de formation et sur les raisons que nous pouvons avoir de mettre en œuvre des intranets. Pourquoi des intranets de formation ? La première partie de ce texte reprend les points de vue exprimés lors des échanges sur cette question et la deuxième partie, plus distanciée, regroupe quelques réflexions sur le e-learning, les raisons et les conditions de l'innovation technologique dans le domaine de l'enseignement et des apprentissages. Prévues pour être des propositions d'introduction, ces réflexions, venant dans un deuxième temps, sont sans doute ainsi plus à leur place.

Le terme d'intranet recouvre de fait des configurations et des usages différents. Qu'en est-il pour nous1 ?

  • Un intranet, c'est un système fermé dédié à une population précise. Qui dit intranet dit problème d'accès. Des informations, des ressources, des services sont proposés à un certain nombre d'acteurs. Dans le cas de l'enseignement/apprentissage, ces acteurs sont les enseignants, les apprenants, ceux qui produisent les ressources, qui accueillent des stagiaires, les intervenants professionnels, les personnels techniques, etc.

  • On parle beaucoup d'intranet aujourd'hui, est-ce seulement un effet de mode ? N'y aurait-il pas intérêt à se demander pourquoi on veut mettre en œuvre des intranets de formation ? Est-ce qu'on a des raisons pour s'investir dans un tel travail et est-ce qu'on peut formaliser ces raisons ?

  • L'IUFM, par exemple, a recruté de nombreux professeurs des écoles et de lycées et collèges et n'a pas les moyens de les former en présenciel. Il va bien falloir trouver d'autres moyens, entre autres les moyens à distance. Il y a là une raison, qui peut être perçue comme un palliatif, qui est une vraie raison : il s'agit de répondre à un besoin.

  • On évoque souvent les nouvelles générations d'apprenants. Il faut s'adapter à leurs modes de fonctionnement, adapter les supports. Dès qu'on a une animation sur un écran, on capte un auditoire et cela permet de montrer les choses différemment.

  • Autre raison : pour gagner du temps. C'est plus encore qu'à moyens constants faire plus. Ainsi, quelqu'un a fait une préao, il la met à disposition de tous ceux qui peuvent être intéressés. C'est une mutualisation de supports de cours.

  • Pour aller plus loin, c'est-à-dire que si on a des ressources de base qui sont déjà là, déjà connues grâce à l'intranet, on peut de fait expliciter, approfondir.

  • Vraiment cet échange est très « français ». Si on posait cette question des « raisons d'un intranet de formation » à des Scandinaves, des Américains, des Anglais…la première réponse qu'ils donneraient, c'est : pour faire des gains de productivité. Ils le diraient directement : gagner des sous. Il a été dit ici : gagner du temps. Eux, se situent d'emblée en termes économiques, même dans le secteur public.

  • Il y a d'autres approches : celle de l'individualisation par exemple qui est plus méthodologique, qui permet un accès permanent, flexible aux ressources identifiées comme nécessaires. Tant mieux si on ne part pas d'emblée dans la grande vague du e-learning qui déferle actuellement.

  • Une autre approche. Au niveau de l'Europe, il y a de fait un effet de mode et beaucoup d'argent pour le e-learning. L'initiative européenne vise à expérimenter dans les différents pays l'e-learning et les technologies associées. La raison, là, pour la création d'un intranet régional, c'est l' enveloppe financière européenne disponible. Cette expérimentation d'intranet à laquelle je fais allusion a été cependant montée dans le cadre de l'Education Nationale.

  • Un intranet de formation pour les étudiants salariés ! On risque d'oublier cette raison et pourtant elle pourrait être déterminante. Est-ce qu' un intranet ne pourrait pas aussi préparer les étudiants à leur travail en entreprise ? Cela aurait à voir avec l'employabilité. Les étudiants apprendraient ainsi des réflexes, travailleraient des compétences qu'ils pourraient ensuite facilement mobiliser en entreprise.

  • La capacité dont les entreprises sont friandes, c'est la capacité à travailler de manière coopérative. Pour le dire rapidement, cela nous manque souvent dans nos pays latins.

  • Etant enseignant dans un DESS « Gestion de projets multimédias », je m'aperçois du « gap » qu'il y a entre la « culture » universitaire et ce qui est effectivement demandé par les entreprises en termes de compétences. Il ne s'agit pourtant pas que l'université « serve » l'entreprise mais on pourrait réduire la « fracture numérique »…

  • On retrouve ce qui a été évoqué : on a dit qu'il fallait être en phase avec le public entrant, c'est-à-dire, entre autres, que les étudiants utilisent les outils qui sont utilisés au quotidien dans notre société. On pourrait citer bien des cas où les étudiants ne trouvant pas ces environnements d'apprentissage adéquats, ils se les fabriquent, ils se créent leur e-group, leurs agendas, leur système de mutualisation de ressources, etc. De telles initiatives ne sont pas à la portée de tous les étudiants. L'université perd là une occasion d'un vrai service de formation. La pression culturelle allant croissante, on peut penser que les choses changeront.

  • Dans le cadre d'une formation en langue, l'existence d'un intranet peut permettre à des gens de travailler sans nous, chez eux ou ailleurs, à la condition qu'ils aient acquis un minimum d'autonomie. Un stage initial d'ordre méthodologique, des regroupements périodiques, un suivi personnalisé technique ou de contenu, voilà quelques conditions qui rendent possible des parcours individualisés. Mettre en place de tels dispositifs suppose de nouvelles compétences, de nouveaux métiers. Ce n'est pas faire une économie, on le sait bien. Mais c'est une bonne raison de créer un intranet avec tout l'environnement qu'il suppose.

  • Au niveau des collèges et des lycées, à 18h, les portes des établissements sont fermées ! On retrouve l'inégalité. Toutes les familles ne sont pas équipées en matériel qui pourraient permettre de continuer à travailler sur les écrans, d'acquérir des notions, de revoir un cours.

  • Il ne suffit pas de proposer des ressources, aussi multimedia ou interactives soient-elles, pour que les élèves y aillent, même si ils ont internet chez eux. C'est l'expérience que j'ai eue. Pour l'intranet, est-ce qu'il n'y aurait pas à creuser plutôt du côté de l'enseignement que de l'apprentissage ? Est-ce que la mutualisation de ressources sur un intranet, en proposant des solutions simples de leurs utilisations, de leurs transformations, est-ce que par là on ne gagnerait pas en efficacité ? Dans le secondaire, il ne faut pas se faire d'illusion. On ne va pas avoir des élèves qui vont se précipiter sur les cours que l'on met en ligne.

  • L'objectif d'un intranet au niveau de l'université est clair : réduire le taux d'échec qui est flagrant en première année. L'expérience que nous menons consiste à mêler cours présenciels et cours en ligne, parfois au moment même du cours, ou en salle de libre-service ou chez eux. L'évaluation que nous avons commencée indique que les cours en ligne ne remplacent jamais l'enseignement en présenciel mais les étudiants trouvent que c'est très positif d'avoir les cours, les exercices, les systèmes d'auto-évaluation à distance pour travailler chez eux en temps libre.

  • Un des points que je trouve important pour notre réflexion, c'est d'expérimenter l'e-learning pour analyser les impacts sur les contenus pédagogiques et sur la pédagogie elle-même. C'est une façon de se former, de reprendre la main sur le système.

  • Evitons de nous jeter sur internet et intranet qui ne sont que des outils. Pour moi, p.c veut dire avant tout papier crayon et, pour le jeune, en lycée et collège, il faut commencer par p.c, papier crayon, avant d'utiliser l'outil informatique. Tous ces écrans, ce n'est pas du savoir, c'est de l'information. Ça restera toujours de l'information. Où est la dimension critique dans ce bombardement d'images ? Petite remarque en passant : tous ces mots américains autour de l'informatique, d'internet : on n'a pas à singer les Américains !

  • Ce qui se passe en Amérique du Nord, on sait que peu ou prou on aura à le vivre. Donc, il faut observer pour transformer l'essai et reprendre la maîtrise sur les contenus et les savoir-faire que les Américains n'ont pas. Ça veut dire simplement, faisons le pas et intégrons la technologie aussi. D'autre part, est-ce que pour les jeunes d'aujourd'hui l'écran et le clavier ne sont pas le papier crayon qui vient d'être évoqué ?

  • Prenons un exemple très élémentaire : un père et un fils en face de l'ordinateur. Le père, la petite cinquantaine, le fils, 16/17 ans. Le père est en train de réfléchir, d'utiliser sa substance grise ; le gamin est en train de tâtonner, il va très vite et réussit avant le père. Qui a raison ? On se pose la question.

  • C'est une question de survie. Je ne sais pas si vous avez essayé de faire cours à des élèves de 6° simplement avec des textes ! En tout cas, en langue, j'aurais beaucoup de mal.

  • L'abondance des sources, souvent critiquée, peut être source d'apprentissage car elle permet la comparaison, l'esprit critique. La comparaison entre les faits relatés par des sources différentes. L'expert, l'enseignant n'intervient plus ni au même moment, ni de la même façon mais c'est lui qui valide.

  • Dans les nouveaux programmes de l'école élémentaire, il y a une nouvelle catégorie d'enseignement qui va s'appeler « Initiation aux humanités ». Dans ces textes, les TIC sont présentées explicitement comme un outil ordinaire de la pédagogie. Ce n'est pas du tout contradictoire avec les humanités.

  • Le flux d'images dont les enfants sont bombardés actuellement, il faut simplement apprendre à le lire, c'est le rôle de l'enseignant. Apprendre à lire les écrans, c'est un enjeu important. Il faut apprendre à faire le tri.

  • Par rapport à ce monde de l'internet qui est ouvert, riche, hétérogène et non critique, le monde de l'intranet par définition offre une certaine crédibilité : c'est un univers fermé, structuré, cohérent. S'il s'agit d'une université ou d'une école on peut présumer que tout ce qui est à l'intérieur est validé et qu'il y a un contrat de confiance avec l'usager. C'est une différence !

Au cours de cet échange, la diversité des réactions, des expériences et des propositions quant à la mise en œuvre et aux contenus d'intranets montre bien que pour être utiles, ces intranets doivent répondre à des besoins qui varient selon les situations. Peut-être n'avons-nous pas assez insisté sur ce point ? Les quelques réflexions proposées à la suite de cet échange n'ont pas d'autre but que de situer les intranets dans une démarche globale d'utilisation des TIC.

Les grandes organisations (entreprises, services publics) qui ont fait une analyse stratégique des usages possibles des réseaux estiment que ces derniers créeront de la valeur ajoutée s'ils sont appliqués à deux fonctions :

  • les achats

  • la communication, la coordination et la coopération interne

Vendre sur Internet, apprendre sur Internet constituent des possibilités mais elles ne concernent encore qu'un nombre réduit d'organisations là où les deux précédentes fonctions (achat, usages internes) les concernent toutes.

Les universités sont des organisations comme les autres (au sens où un ensemble de moyens organisés concourent à la réalisation d'un service). Ce qui fait leur spécificité tient à leur « métier », au « service » qu'elles délivrent. A la différence d'autres organisations, elles auront à utiliser les outils de réseau à deux titres : en tant qu'ils peuvent contribuer à améliorer leur fonctionnement (un Rectorat a les mêmes raisons de développer l'usage de ce type d'outils) et que ces outils sont et seront de plus en plus mobilisés pour rendre le service dont elles ont la charge.

Les universités sont par ailleurs placées dans un environnement d'incertitude. Il est très probable que leur public cesse rapidement d'être formé quasi exclusivement d'étudiants en formation initiale arrivant du Lycée et que la part des autres publics s'accroisse2 : public en reprise d'étude, demandeur d'emploi, salarié. De même, il est tout aussi probable que leur offre diplômante fasse progressivement place à des réponses de plus en plus qualifiantes (le regain d'intérêt pour les formations professionnalisantes, compromis entre les deux approches, peut être vu comme le signe de cette évolution). La mise en place de services à ces publics nécessitera des ingénieries pédagogiques nouvelles, très consommatrices de TIC.

Les universités rencontrent une concurrence de plus en plus vive de la part des entreprises pour leurs deux grandes fonctions de Recherche et d'Enseignement. L'intranet peut aussi aider à optimiser les flux (outils de conservation, de recherche et de distribution) du savoir entre lieux de production (recherche) et moyens de transmission (enseignement).

Enfin, l'usage des TIC se répand au sein de nos sociétés. Les acteurs du système universitaire ne comprendront pas dans un futur relativement proche que des outils banalisés partout ne soient pas disponibles au sein des établissements. La question pouvant être envisagée de deux points de vue :

  • du point de vue de l'existence ou de l'absence de services en ligne alors que leur intérêt serait perçu comme évident ;

  • du point de vue de l'accès via des machines réparties dans l'établissement à des services externes utilisables pour enseigner/apprendre (ressources documentaires) ou simplement pour « vivre » (horaires SNCF, ciné, etc.).

Les employeurs des secteurs public et privé n'apprécieront guère d'accueillir de nouveaux collaborateurs qui ne seraient pas habitués à fonctionner dans des environnements de travail électroniques.

Nous évoluons dans un contexte où la place des technologies en formation est sur-médiatisée, du fait notamment du développement rapide des usages de l'Internet. Il faut s'attendre à ce que les choses se posent même si l'évolution est définitivement engagée.

Parmi les usages de l'Internet, le e-learning nous est présenté comme la solution miracle, le « modèle » pédagogique. Il semble qu'il faille être plus précis.

Le « e » peut être utilisé dans des contextes, des dispositifs et pour des activités pédagogiques différents. La notion même de e-learning est à préciser :

  • s'agit-il d'apprendre et d'enseigner avec des technologies ?

  • s'agit-il, plus précisément, de dispositifs où la plus grande partie des apprentissages se fait à distance (du groupe et du formateur) ?

  • ou, comme nous le croyons, s'agit-il d'une évolution beaucoup plus profonde où l'acte d'apprendre devient un processus permanent. L'apprenant « manage » alors ses connaissances (ce que les Anglo-Saxons appellent « learning management »).

Il est clair que les réseaux peuvent contribuer à améliorer les services rendus. Cependant, comme pour tout processus d'innovation, nous sommes invités à ne pas oublier :

  • de mesurer l'ampleur des effets des innovations en cours non seulement sur les activités d'enseignement mais plus largement sur l'ensemble de la société ;

  • d'analyser comment les précédentes innovations technico-pédagogiques ont échoué ou fonctionné ;

  • de vérifier que nous sommes sûrs des raisons pour lesquelles nous innovons ;

  • une fois celles-ci explicitées, de nous mettre en projet et de nous inscrire dans le temps long, puisqu'il s'agit plus d'accompagner les hommes et les organisations que d'acquérir un outil technique et d'accepter une approche progressive de la complexité ;

  • et enfin, de ne pas nous satisfaire de simplement expérimenter dans nos marges (la formation continue) sans parallèlement faire grandir le centre (la formation initiale) de notre système.

L'observation de différents dispositifs dans lesquels des technologies ont accompagné des modifications de pratiques permet de distinguer cinq types3 (voir annexe pour la définition de ces types et des illustrations) :

  • présentiel enrichi

  • présentiel « augmenté » (avant et après)

  • présentiel allégé

  • présentiel réduit

  • présentiel (quasi) inexistant

Pour faire court :

  • que la zone sensible est bien constituée par le face à face pédagogique où pour des raisons symboliques autant que réelles le « maître » craint la concurrence de l'outil. De ce point de vue, les stratégies d'introduction des TIC par la périphérie, les marges sont certainement gagnantes. Un collègue qui utilise l'intranet de son établissement monte en compétence, établit une relation positive avec l'ordinateur, se rassure progressivement et petit à petit introduit des usages dans sa pratique.

  • que l'innovation de certains dans des contextes favorables n'a jamais suffi à généraliser des pratiques même lorsqu'elles ont été repérées comme (très) positives. De cette seconde observation, nous devons tirer l'enseignement qu'une approche par l'expérimentation échoue si ne sont pas effectuées parallèlement des actions de préparation des terrains susceptibles d'accueillir une généralisation.

Les hommes n'aiment pas avoir à changer, même si leur capacité d'adaptation est infinie. Cette constante accepte des exceptions si le changement est perçu comme nécessaire, réaliste (à portée) et les moyens de ce changement adaptés et compris par tous les acteurs.

On a dit à plusieurs reprises que les publics (leur demande) risquent probablement de changer rapidement. Cette affirmation ne suffit pas. Cette demande reste à préciser. Le marketing appliqué au domaine des services peut aider à déterminer les positionnements possibles et à les faire valider par les organes de pilotage des établissements. Tant que cette vue n'est pas établie et partagée, aucune modification de fond n'est possible.

Une solution féconde consiste dans l'approche par les problèmes. Avant d'ajouter des problèmes nouveaux, peut-être doit-on faire la liste des difficultés récurrentes auxquelles l'organisation actuelle ne répond pas de manière satisfaisante.

Par exemple, concernant la «  qualité » des services d'enseignement, nombreux sont les collègues qui regrettent que l'approche disciplinaire (par les référentiels et les maquettes) ne permette pas de bien (mieux) travailler les compétences transversales ou « méta-compétences » des étudiants :

  • capacité à conduire une recherche documentaire

  • capacité à utiliser les technologies pour apprendre (produire un texte structuré, apprendre à partir de parcours et de ressources, etc.) 4

  • autonomie dans une seconde, voire une troisième langue

  • etc.

Le développement d'un intranet pédagogique destiné, à partir de parcours d'auto-formation tutorés ou non, à permettre de travailler tout ou partie de ces compétences apparaît à la fois comme un objectif « politique » partageable (finançable auprès des collectivités territoriales notamment) et comme une réelle amélioration du service5 (là encore sans s'attaquer frontalement aux pratiques habituelles).

D'autres raisons d'utiliser les TIC comme « prétexte » à une ré-ingénierie des maquettes ne manquent pas : l'accueil des publics en reprise d'étude et la validation des acquis de l'expérience d'une part, la mise en place des ECTS, d'autre part, sont autant de chantiers pédagogiques complexes. Ces chantiers sont liés entre eux et vont nécessiter une évolution considérable des pratiques qu'il faudra accompagner.

L'analyse des pratiques au travers de la grille présentée ci-dessus nous enseigne les choses suivantes :

  • il faut une année universitaire pour passer d'un état de pratique à un autre à condition qu'il existe un accompagnement (formation-action) ;

  • plus on s'élève dans la grille, plus le besoin d'accompagnement augmente ;

  • il est très difficile de passer d'un état n à un état n+2 (sauf à mobiliser un accompagnement très solide), probablement impossible de passer de n à n+3 sur une même année. Par exemple, sans le passage progressif au type 2 les équipes qui le souhaiteraient ne pourraient pas développer des pratiques de FOAD (type 3 et 4).

Toutes les équipes ne sont pas en situation de réussir tous les types de projets. Un autodiagnostic devrait être rendu possible. Les variables à tester sont les suivantes (liste non exhaustive) :

  • état des compétences «  bureautique » de l'équipe, des étudiants stagiaires ;

  • état de l'équipe pédagogique ;

  • culture pédagogique dominante, capacité à développer une ou plusieurs stratégies ;

  • culture managériale ;

  • capacité à conduire un projet ;

  • disponibilité des compétences techniques ou des outils/services associés (état du système d'information, etc.).

Mettre en place un intranet6 pédagogique, c'est permettre :

  • par une pratique quotidienne, aux collègues et aux étudiants de monter en compétence dans l'usage de ces outils7 ;

  • une intégration progressive dans les usages pédagogiques ;

  • d'offrir rapidement à tous ses étudiants des services pédagogiques (pratiques de types 1 et 2) et péri-pédagogiques en phase avec l'attente et les pratiques sociales ;

  • de créer les conditions de généralisation de pratiques plus complexes (types 3 et 4) ;

  • de réaliser une mise à plat des maquettes pour y intégrer les exigences communautaires (3-5-8 ECTS) ;

  • d'améliorer la plasticité, la réactivité du système (et donc rendre possible son développement) ;

  • une réécriture du collectif, du « nous » dans une culture affaiblie par son excès de singularités.

L'intranet peut fasciner. Il semble que grâce à lui tout soit possible ! Comment faire en sorte que les enthousiasmes d'un jour prennent forme dans la durée au lieu de s'évanouir comme un mauvais souvenir, avec en plus, parfois, le sentiment d'un échec ? Sans doute la première précaution à prendre consiste-t-elle à s'assurer que les usages prévus correspondent à des besoins dûment identifiés, que le dispositif soit simple et en rapport avec les compétences actuelles des protagonistes. En effet, si les différents acteurs d'une institution éducative, quelle qu'elle soit, voient dans ces nouveaux usages, un intérêt, un gain à la fois pédagogique et économique, une formation plus adéquate, les légitimes résistances se transformeront progressivement et le changement redouté apparaîtra comme un service allant de soi.

Aucune des suggestions proposées ici ne constitue un passage obligé. L'existence d'un projet, aussi sommaire soit-il, est cependant une condition indispensable car lui seul permet de donner du sens à l'action entreprise, d'impliquer un maximum d'acteurs et d'évaluer les étapes de la démarche.

Pour citer cet article :  Schaff Jean-Louis (2002). "Concevoir un intranet de formation : une ingénierie à la fois pédagogique et technologique".  Actes des Troisièmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques.  Poitiers,  19 mai 2001.  "Documents, Actes et Rapports pour l'Education", CNDP, p. 115-125.

En ligne : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document497.php (consulté le 1/10/2019)

Notes

1 Ce nous représente les participants de l'atelier. Les brefs paragraphes qui suivent sont la reprise de leurs interventions.
2 Une étude de marché serait souhaitable afin de préciser les positionnements possibles des établissements (probablement via une typologie de ceux-ci et de leurs composantes) : quels publics ? Quels besoins ? Dans quel cadre économique et pratique (temps, ergonomie, etc.) ?
3 Cette grille ne cherche (avec ses imperfections) qu'à appréhender les usages pédagogiques des TIC. Il faudrait la compléter de projets de type :
AV (pour avant), regroupant les services d'avant-inscription : catalogue des formations, services d'orientation, de recherche de logement, jobs, financement, etc.
P (pour pendant), pour prendre en compte les services d'environnement : vie scolaire : notes, etc., vie du campus, etc.
AP (pour après) : recherche d'emploi, aides à l'insertion, réseau d'anciens, etc.
4 Le Ministère devrait annoncer pour la rentrée le CCI Certificat de compétences en informatique. L'Université Pierre Mendès France (Grenoble 2) met en place à la rentrée 2001 une certification des compétences bureautique pour apprendre.
5 Même si la question de la motivation des étudiants reste une question à travailler : prise en compte de ces apprentissages dans la maquette, certificat complémentaire, certification sur des normes internationales…
6 Extranet serait d'ailleurs un terme plus adéquat puisque l'ensemble des services concernent autant l'interne que ses clients (ici ses étudiants), ses fournisseurs (intervenants occasionnels) que ses partenaires (maîtres de stage, employeurs, etc.).
7 Il est à noter que la compétence à coopérer fait partie des compétences clé attendues par de nombreuses organisations. Cette compétence se travaille assez peu dans notre système éducatif où, contrairement à d'autres pays, nous pratiquons assez peu le travail de groupe. De fait, l'Université est le dernier endroit où le jeune "professionnel " peut acquérir cette compétence. Encore faut-il que des activités pédagogiques lui soient systématiquement proposées et que cette compétence soit certifiée.

Annexes

Type 1

Présentiel enrichi

Utilisation d'outils de présentation (des diapos imprimées au tableau interactif)

Utilisation de ressources textuelles, graphiques, audio et vidéo

Utilisation de télé-expérimentations

Utilisation de simulateurs et micro-mondes, gestion de la distance par des téléconférences visio et audio

Type 2

Présentiel « augmenté » (avant et après)

Avant :

Mise à disposition du syllabus du cours

Préparation des TP et TD (fiches, exercices)

Aide à l'organisation de l'agenda de la formation (participation de la scolarité)

Après :

Accès aux ressources utilisées pendant le cours

Accès à des dispositifs d'auto-évaluation/auto-formation échanges entre enseignants et étudiants

Type 3

Présentiel allégé

L'essentiel de la formation (cours) se réalise en présence des enseignants.

Quelques heures de cours ou de TD sont remplacées par des modules auto-formation multimédia (très complexes et coûteux à produire en général).

De la formation asynchrone (susciter le questionnement individuel et collectif)du tutorat asynchrone (aide à la réalisation des tâches par des tuteurs)

Type 4

Présentiel réduit

L'essentiel de la formation se fait en dehors de la présence de l'enseignant.

La structuration des ressources et la scénarisation pédagogique sont stratégiques.

L'enseignant intervient de façon synchrone essentiellement pour : re-formaliser, préciser et/ou expliquer différemment, motiver et évaluer.

Type 5

Présentiel (quasi) inexistant

C'est la formation à distance (ou à longue distance) typique : dans les partenariats avec le CNED, en partenariat à l'étranger.

Les enseignants se déplacent à longue distance pour une série de cours.

Le présentiel intervient essentiellement lors de l'évaluation.

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