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15 ans d’enseignement à distance au Pays de Galles

Expériences

Par Gareth W. Roberts

Publié en ligne le 29 août 2006

Je vous parle de Llangefni qui se trouve au milieu de l’Ile d’Anglesey ("Môn" en gallois) au nord-ouest du Pays de Galles. C’est une région rurale, galloisante, assez loin des grandes agglomérations, telles que Liverpool et Manchester et à trois cents kilomètres de notre capitale Cardiff. En effet, c’est la capitale de l’Irlande, Dublin, qui est la capitale la plus proche de nous.

Notre centre de technologie est une ancienne école maternelle qui date de l’ère de la reine Victoria. Nous disposons de trois studios de visioconférences et de cinq salles de classes ou de salles de réunion. Le centre est géré par l’association CYNNAL qui veut dire soutien en gallois. CYNNAL appartient aux comtés de Gwynedd et de Môn. Nous avons deux centres situés à Caernarfon, un centre pour les conseillers pédagogiques, un centre de soutien technique pour nos écoles ainsi que notre centre d’enseignement et d’innovation situé à Llangefni.

Le centre de Llangefni a plusieurs rôles. Le premier, c'est l’enseignement en direct: 250 étudiants à temps partiel, issus des cinq établissements secondaires du comté, viennent ici préparer leur bac. En plus, nous nous occupons de l’administration, d’inspections pédagogiques du secteur primaire et secondaire, nous participons à des projets "gallois" et à l’enseignement à distance dans certains cas avec une société partenaire. Depuis quinze ans nous participons à des projets "européens". Le centre est également un soutien technique pour l’innovation sur le WWW.

L’enseignement à distance est l'objet de nos projets d’innovation et de notre travail de tous les jours. En participant à des projets nous avons pu atteindre un large public. Nous préparons l’enseignement non seulement pour les lycéens et pour les élèves de 14 à 16 ans mais aussi pour les formateurs et les enseignants. Nous formons les techniciens à distance et les responsables et employés de petites entreprises, et, au sein de nos projets, nous nous sommes occupés des 'exclus', des femmes qui cherchent du travail, des jeunes en difficulté. Chaque public est distinct et a ses besoins propres.

L’enseignement à distance évolue et s’adapte selon les besoins des clients qui dans notre cas sont, comme vous pouvez le constater, des clients bien différents les uns des autres. L’amélioration des moyens techniques mène également à une évolution de méthode, ainsi que les moyens financiers disponibles. Il y a dix ans, on participait seulement à des conférences audio et on préparait des émissions diffusées par satellite. La participation à des projets nous permet d'améliorer notre travail, nous profitons même de nos erreurs. Chaque projet permet de nouveaux progrès.

L’enseignement à distance s’adapte à l’enseignement ou à la formation voulus. On n’enseigne pas l’espagnol et l’électronique de la même façon, même à distance. La capacité des apprenants (y compris leur motivation) est très importante. Les moins doués ou moins motivés auront besoin de plus de soutien, de plus de cours, etc.. En plus, chez nous, la rentabilité est importante, les subventions sont rares. Si cela ne rapporte pas, on ne le fait plus.

On ne peut pas affirmer que l'enseignement à distance soit actuellement moins cher que l'enseignement en direct. Que ce soit en direct ou à distance, une matière au niveau du bac coûte toujours à peu près £500 par étudiant par an.

En plus, le modèle d’enseignement prévu mène à des différences importantes. En principe, nous avons trois modèles possibles. Nous avons tout d’abord l’enseignement en direct. Là, on a la présence réelle d’un enseignant et la possibilité d’une interactivité totale. On a également l'enseignement à distance pur, c’est-à-dire la présence à distance d’un être humain. Le troisième modèle est celui qui se passe tout à fait de la présence humaine, en se servant seulement de l’enseignement par le web.

La vérité, c’est que ces modèles se confondent, se mélangent, s’adaptent et évoluent. L’essentiel, c’est de trouver un bon mélange selon les besoins. C’est le principe d'empirisme qui caractérise le système britannique d'éducation publique.

Pour trouver le bon mélange on fait une analyse de chaque matière. Chaque matière consiste en faits, idées, capacités et valeurs. Il y a certaines matières qui se composent pour la plus grande partie de faits et d’idées, telles que la psychologie, la sociologie, le droit et la comptabilité. Ces matières s’adaptent sans trop de difficulté à l’enseignement à distance. D’autres matières, telles que l'électronique, l'informatique et l'espagnol dépendent aussi de certaines capacités, il y a aussi du travail pratique. Certaines matières, telle que le théâtre, la musique, l'éducation physique, le dessin technique et la technologie s'adaptent mal à l'enseignement actuel à distance. Ici, il faut une intervention plus directe et humaine.

En situation d'enseignement à distance le rôle de l'enseignant change. Il devient 'tutor'. J'ai eu le bonheur d'être étudiant à Cambridge où on avait un 'tutor' personnel aussi bien que des conférenciers. L'étudiant doit travailler d'avance avant un cours. Le 'tutor' vérifie les connaissances acquises par l'étudiant, corrige les erreurs, explique les idées clefs, démontre les capacités voulues, anime et participe à une discussion, propose des devoirs et fait l'évaluation des étudiants. Le 'tutor' n'enseigne donc pas les étudiants en direct.

L'enseignement à distance se base sur des principes pédagogiques connus. On se sert d'une visioconférence pour une présentation, une explication et pour maintenir l'interactivité. On se sert également de l'audiovisuel (cassettes/vidéo, images) pour la présentation. On profite aussi de l'ordinateur : du CDRom, de logiciels, du worldwide web pour soutenir l'enseignement. L'étudiant dispose également de livres de cours et de matériel écrit. Pour certaines matières comme l'électronique, il y a un 'kit'.

C'est la diversité des publics et des cours qui rendent l'enseignement à distance intéressant. Le niveau du travail peut varier, du niveau bac ou licence à un cours de loisir sans diplôme. Le public, comme je l'ai déjà indiqué, peut varier. Il y a également une grande variation de durée des stages : d'une heure, voire une demi-heure à deux ou trois ans. Chaque matière pose des défis différents du point de vue de la méthode.

Comment assurer la réussite ? Avant d'aborder un stage, il faut que les apprenants et l'enseignant se soient rencontrés pour établir des rapports entre eux, même si l'enseignement se fait normalement par visioconférence. Il faut que l'apprenant soit soutenu. Il doit être soutenu par une présence humaine ! Il doit être soutenu au niveau social, il faut l'encourager, le motiver, l'aider s'il y a un problème familial, etc. .Vous savez peut-être que ce soutien personnel fait partie de notre tradition britannique. Il faut en plus soutenir l'apprenant au niveau pédagogique, l'idéal serait quelqu'un qui pourrait lui expliquer ce qu'il ne comprend pas, qui pourrait l'aider à faire ses devoirs, à préparer pour son cours. Il faut également que la qualité du matériel pédagogique soit bonne, qu'il y ait la possibilité de contacter et d'interroger le 'tutor' entre les cours. Mais la chose la plus importante, c'est que l'enseignant et l'apprenant soient informés et préparés à l'apprentissage. La formation à distance est sensiblement différente de la formation traditionnelle.

Peut-on se passer de présence humaine? Certes, nous avons établi un "centre d'enseignement ouvert" sur le world wide web. Les firmes peuvent s'en servir pour y mettre leur propres stages. Nous sommes déjà à la deuxième génération de matériel pour le WWW. Ce "centre d'enseignement ouvert" permet à l'apprenant d'être indépendant puisque c'est lui qui choisit le stage, c'est lui qui décide combien de temps il veut travailler et quand, que ce soit chez lui ou dans l'entreprise. L'évaluation se fait en ligne. Cela veut dire donc que le contact humain est minime et que l'on dépend entièrement de l'ordinateur.

Pour moi, il y a toujours du pour et du contre quand on parle de la formation à distance. Certes, les possibilités augmentent selon l'évolution de la technologie. L'enseignement à distance peut permettre de surmonter certaines difficultés comme la ruralité, le coût de petites classes qui ne sont "rentables" que si on les unit, le manque d'enseignants spécialisés. Ainsi, on encourage les établissements à travailler ensemble. On profite déjà d'une longue tradition de succès tel que l'"Open University" en Angleterre.

Il y aussi des contre. Les exclus seront toujours exclus. Ce sont eux qui n'ont pas d'ordinateur, qui ne sont pas assez motivés pour travailler, pour assister à une séance de visioconférence même si l'équipement se trouve dans le 'pub' ou dans le bureau de poste du coin.

L'homme, en plus, est un être qui aime le contact humain. Pourra-t-on jamais se passer d'écoles, comment assurer la cohésion sociale ?

Les enseignants se sentent menacés et, en France, au moins, on risque gros si on menace les enseignants! Pour moi, rien ne peut remplacer un enseignant qui vous connaît et qui vous soutient. N'oublions pas que la plupart des apprenants ne sont pas capables de se soutenir. Et cela menace le succès de l'enseignement à distance.

Pour citer cet article :  Roberts Gareth W. (2001). "15 ans d’enseignement à distance au Pays de Galles".  Actes des Deuxièmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques.  Poitiers,  24 juin 2000.  "Documents, Actes et Rapports pour l'Education", CNDP, p. 89-92.

En ligne : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document446.php

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n° 2

  • Gareth W. Roberts

    Directeur pédagogique, Cynnal Technology Unit, Pays de Galles

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Vidéo de l'intervention de Gareth W. Roberts : Durée 29 min.

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