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Etude de cas : l’intranet du Lycée Pilote Innovant, Jaunay-Clan (Vienne)

Table ronde : L’intranet pour organiser l’accès à des ressources diffuses et dispersées

Par Pierric Bergeron

Publié en ligne le 30 août 2006

Résumé : Au Lycée Pilote Innovant de Jaunay-Clan, l’usage d’un réseau interne est généralisé depuis 1994. Les fonctionnalités de ce réseau, les conditions de son utilisation (formations et co-formations, motivations, supervisions nécessaires) sont présentées ici, ainsi que les limites de l’utilisation des TICE du réseau au LPI, comme dans d’autres contextes. Deux points cruciaux se dégagent pour esquisser une « pédagogie du réseau » : un accompagnement rigoureux dans les phases de recherche documentaire et de production de ressources, une prise en compte des compétences nouvelles des élèves dans les procédures d’évaluation.

Né fin 1985 d'une volonté conjointe du Rectorat de Poitiers et de la Région Poitou-Charentes, le projet de lycée à caractère innovant (LPI) évolue depuis plus de douze années avec toujours en filigrane l'idée que des solutions techniques (informatiques) doivent être mises en œuvre au service des enseignements. Parmi les mots-clés sur lesquels travaillèrent les concepteurs à l'origine, on trouvait « communication », « expression » et « technologie d'aujourd'hui et de demain ». Comme l'expliquait Michel Diore1 : « pour répondre à ces objectifs, le programme remis aux concepteurs a intégré une nouvelle dimension jusqu'alors peu ou pas abordée dans un programme de lycée : la communication interne grâce au câblage intégral ».

En conséquence, au LPI, un réseau d'ordinateurs existe depuis pratiquement l'ouverture du lycée en 1987. La mise en place progressive de serveurs spécifiques a permis un usage généralisé du réseau interne depuis 1994. Même si techniquement les protocoles de transfert ne sont pas stricto sensu ceux d'un intranet tels qu'ils se développent actuellement sur le modèle de l'internet, le réseau s'y apparente par les fonctionnalités et les objectifs poursuivis. Ceci signifie que le réseau local permet à la fois de mettre à disposition des données, d'accéder à des ressources (intranet documentaire), d'échanger, de partager et de communiquer des informations. En constante évolution, le réseau doit s'adapter aux nouvelles exigences pédagogiques pour être au service du Projet d'Etablissement. L'objectif global du projet étant de former des jeunes, autonomes, responsables, ouverts, créatifs, sachant communiquer, capables de s'adapter, d'évoluer et de travailler en équipe.

Repères sur l'accès aux TICE et réseaux au LPI :

  • 400 élèves et 100 étudiants, tous motivés par l'utilisation des TICE ;

  • 600 utilisateurs du réseau interne ;

  • 800 connexions sur le réseau par jour minimum ;

  • 5 serveurs « dédiés » ;

  • + de 200 ordinateurs en réseau ;

  • + de 100 ordinateurs « enseignement général » ;

  • une radio avec un studio ;

  • l'accès possible au réseau depuis l'internat en dehors des heures d'ouverture ;

  • 3 salles informatiques en accès libre + un centre de ressources documentaires ;

  • 2 heures de cours d'informatique hebdomadaire en seconde et une heure en première ;

  • La possibilité d'accéder à l'Internet sur l'ensemble des postes avec trois modes d'accès [libre suivant horaire, sites autorisés, avec un mot de passe inscrit par un enseignant].

  • Une messagerie informatique.
    Avec 600 utilisateurs (élèves, enseignants, personnels non-enseignants), c'est le système de communication interne utilisé au quotidien. Il permet à la fois d'échanger entres professeurs, entre élèves et professeurs, élèves et élèves, mais aussi avec et entre les personnels non-enseignants. On y trouve en fichier attaché les mêmes types de documents que ceux diffusés sur internet.

  • Un accès de l'extérieur.
    Avec une passerelle internet permettant le téléchargement de logiciels : mise à jour d'antivirus, logiciels libres, mise à jour à distance du site de l'établissement et consultation. L'accès à certaines ressources présentes sur l'intranet est aussi possible.

  • Un partage des ressources communes à tous les utilisateurs.
    Parmi celles-ci, on trouve les ressources documentaires accessibles via des interfaces de recherche documentaire mais aussi l'accès aux outils informatiques (traitements de textes, logiciels spécifiques suivant les disciplines, tableurs, programmation, traitement d'image, etc.). La possibilité de commencer un travail dans une salle (TP) et de le poursuivre dans une autre (en accès libre).

  • Un accès à des ressources propres à des groupes de travail ou des équipes.
    On y trouve par exemple les travaux réalisés par les élèves dans le cadre de groupe classe ou de projets spécifiques à un groupe (atelier de pratique scientifique, atelier d'écriture, Activités Complémentaires de Formation, Travaux Personnels Encadrés, etc.) et des travaux réalisés par les enseignants, des données spécifiques et protégées mises à disposition suivant des droits particuliers (données administratives et pédagogiques pour l'essentiel).

  • Des outils spécifiques, l'exemple de l'observatoire des secondes.
    Constitué au départ avec un fichier Excel, cet observatoire permanent en ligne permet de voir et mettre à jour les résultats des élèves des quatre classes de seconde détaillés en terme de compétences. Dans ce cas révélateur, l'outil informatique en permettant une identification rapide et précise des difficultés des élèves donne la possibilité de les orienter vers les structures de soutien et de réussir la prise en compte de leurs besoins. On note ici encore la nécessaire articulation entre outil réseau et dispositif pédagogique.

  • Un accès à des ressources strictement personnelles.
    Chaque utilisateur bénéficie d'un espace libre sur le réseau avec une partie visible par tous les autres utilisateurs, « le Pub », et d'une partie qui lui est propre. Par exemple, la majorité des élèves a son propre site intranet. Cela fait d'ailleurs partie des objectifs des cours d'informatique en première, qui, pour certaines productions, quand les problèmes de droits seront réglés (particulièrement pour les images), seront basculées sur l'internet. Actuellement, très peu de travaux d'élèves le sont parce que l'on essaie de respecter les législations en vigueur…

Rendue possible grâce à :

  • Une formation TICE pour tous les élèves.
    Tous les élèves de seconde bénéficient de 2 heures d'informatique et tous ceux de première d'une heure. Les enseignements sont divisés en informatique « outil », en relation avec les attentes disciplinaires et interdisciplinaires (Excel en mathématiques ou encore le HTML pour la présentation des Travaux Personnels Encadrés) et l'informatique de programmation qui a pour objectifs l'acquisition de compétences transversales de type méthodologie, conceptualisation, abstraction, etc., et conduit certains élèves vers des productions plus « pointues ».

  • Une co-formation informelle et/ou organisée dans le cadre de projets.
    Le travail en équipe sur projet suppose l'intégration d'élèves de niveaux différents voire de classes différentes. Les élèves se forment entre eux, par exemple pour aller plus loin dans la réalisation de pages HTML qui est le format de communication qui tend à être au lycée le plus répandu et le plus demandé par les enseignants [exposés, productions de groupe]. Il y a donc « co-formation » profs/profs mais aussi élèves/profs et élèves/élèves dans la découverte et la maîtrise des outils. A cela s'ajoute la nécessaire formation continue au sein de l'établissement et le travail que les enseignants fournissent à l'extérieur pour se mettre à niveau.

  • Des exigences d'une utilisation de qualité des TICE.
    Les compétences se développent en fonction des demandes des enseignants et sont contextualisées à travers des productions et/ou communication (exposés multimédia). Les apprentissages en TICE commencés en classe de seconde trouvent tout au long de la scolarité des élèves au lycée de multiples occasions d'être sollicités, perfectionnés, ce qui les rend pérennes et efficients.

  • La motivation des élèves et des enseignants pour l'outil informatique.
    Les élèves qui souhaitent s'inscrire au LPI témoignent d'une démarche volontariste vis-à-vis des TICE. Les enseignants sont recrutés sur un profil qui intègre l'usage ou au moins un intérêt certain pour les « nouveaux » outils.

  • La présence active et les compétences des superviseurs de réseau ; clé de voûte du système informatique du LPI.
    Actuellement, outre les serveurs spécialisés (Informatique industrielle, ou sciences de l'ingénieur, etc.) qui sont administrés localement par les enseignants, deux enseignants déchargés pour partie, ce qui représente en tout 11h30 hebdomadaires, assurent la supervision du réseau suivant un cahier des charges établi en accord avec le groupe de pilotage et l'équipe de direction. Ils font montre de compétences, d'initiative et d'un investissement remarquable qui permettent à l'établissement de maintenir vaille que vaille les services du réseau aux utilisateurs, le développement et les mises à niveau logiciels. Au départ du projet et ceci pendant 7 ans, un ingénieur réseau à plein temps faisait partie de l'équipe mais après mutation il n'a pas été remplacé.

  • La pérennité des moyens humains.
    Aujourd'hui la dotation horaire attribuée à l'établissement permet, en « jonglant », de détacher des enseignants sur des heures réseau et parmi le personnel ATOSS, on trouve des gens formés et compétents en maintenance. Pourtant, à chaque rentrée, les moyens sont remis en cause et l'équilibre de fonctionnement reste bien fragile. En cela, le caractère pilote du LPI s'est traduit par une mise en évidence depuis plusieurs années, à l'instar du monde de l'entreprise, que la réussite de l'intégration des TICE et des réseaux passait par la nécessaire prise en compte des moyens humains qu'elle sous-tend.

  • La pérennité des moyens en formation.
    De la même façon, les 18 heures détaillées plus haut pour l'enseignement de l'informatique en 2nde et 1ère se renégocient âprement chaque année au moment de l'examen des dotations horaires par établissement.

  • Le renouvellement du matériel et la maintenance.
    L'obsolescence du matériel, le nombre de machines en réseau, les évolutions logicielles et les exigences toujours plus grandes font que les coûts sont de plus en plus importants pour les établissements. Le parc informatique du LPI comptant plus de 230 machines est non seulement coûteux à maintenir en termes financiers mais son aménagement et sa mise à niveau exigent une concertation importante dans les choix qui sont faits. Ainsi, les objectifs sont déterminés au sein de l'équipe de pilotage en relation avec la collectivité territoriale de rattachement2 et le Rectorat représenté par la MATICE3. La mesure des services rendus par l'intranet peut s'effectuer à partir de la dépendance des utilisateurs de notre outil quotidien. Une panne (ce qui est rare !) provoque une paralysie de l'établissement tant en ce qui concerne les productions élèves, la communication interne ou encore la recherche d'information.

  • La lisibilité des ressources du réseau.
    De plus en plus de ressources demandent, bien que les élèves participent activement, de plus en plus de temps de gestion et c'est un véritable métier de webmestre qu'il faudrait créer au sein des établissements pour apporter une vision d'ensemble des ressources et animer les équipes qui en produisent (groupe de pilotage).

  • Droit à l'informatique et droit de l'informatique.
    Le système informatique du LPI s'appuie sur une utilisation « citoyenne » du matériel commun qui dépasse largement le seul matériel informatique. Le travail mutualisé sur le réseau suppose que l'outil soit utilisé de façon « propre » par les élèves, ce qui n'est pas toujours le cas et même a tendance à poser de plus en plus de problèmes, qui conduisent à adapter régulièrement un règlement intérieur déjà spécifique et à responsabiliser encore plus les élèves. Après la prise en compte des droits de l'informatique (propriété intellectuelle, respect de la liberté d'autrui, etc.), s'impose à nous une réflexion sur le droit à l'informatique qui devra s'engager avec l'équipe éducative et les élèves (gestion des accès libres, sanctions, obligation des usagers, etc.).

  • Dans la démarche de recherche documentaire.
    En observant les élèves en phase d'apprentissage d'une démarche documentaire, on s'aperçoit, et c'est bien normal, qu'ils sont en plein dans la société du zapping et de la consommation. Baignés dans un flot d'informations, ils veulent des réponses rapides et ont de plus en plus en plus de mal à admettre que la recherche d'information soit un processus complexe qui se fait en respectant des étapes (on ne se jette pas sur, dans le net sans avoir appris à nager). Le travail des enseignants consiste aussi à accompagner les élèves dans une utilisation de qualité (selon des critères précis) du ou des réseaux, du début de la recherche jusqu'à la production finale et à sa diffusion. Enfin, dans la phase de production de ressources, il faudra sans cesse rappeler aux élèves qu'ils ne doivent pas privilégier le fond sur la forme et que : « les TICE représentent un outil parmi d'autres et non une fin en soi », mais pour cela aussi, il faudra les accompagner en travaillant avec eux sur des compétences attendues, identifiées, en construisant des outils d'évaluation centrés sur des objectifs de formation.

  • La nécessaire évaluation.
    Apprendre la recherche documentaire, l'usage et la gestion de l'intranet ou d'un ensemble fini de ressources, est très formateur comme l'est plus généralement l'utilisation raisonnée des TICE. Cela conduit les élèves à développer la prise de responsabilité, l'autonomie, le travail de groupe, des qualités de communication ou encore d'initiative qui sont autant de « plus » apportés aux jeunes. Cet investissement lourd fait sur l'outil TICE, tant humain que matériel et qui participe à la construction de nouveaux savoirs et savoir-faire devra être nécessairement pris en compte directement dans l'évaluation de tous les élèves dans tous les établissements pour mesurer ces acquis différents et envisager d'éventuelles remédiations afin de limiter les écarts entre les différents établissements. Par ailleurs, est-il encore utile de le rappeler ? Ces compétences nouvelles développées par les élèves correspondent aux demandes qui émanent du « post-bac », c'est-à-dire à la fois de l'université et de l'entreprise4.

Pour citer cet article :  Bergeron Pierric (2002). "Etude de cas : l’intranet du Lycée Pilote Innovant, Jaunay-Clan (Vienne)".  Actes des Troisèmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques.  Poitiers,  19 mai 2001.  "Documents, Actes et Rapports pour l'Education", CNDP, p. 21-27.

En ligne : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document476.php (consulté le 1/10/2019)

Notes

1 Michel Diore, Responsable de la Programmation Pédagogique au Conseil Régional de Poitou-Charentes
2 Région Poitou-Charentes
3 Mission académique aux TICE
4 Pour plus de renseignements d'ordre général : www.lpi.ac-poitiers.fr ; des informations plus précises sur le réseau : www.lpi.ac-poitiers.fr/pedadisc/info/presenta/index1.htm

Bibliographie

Concernant le LPI

Madiot Pierre. Cahiers Pédagogiques, 04/2000, n° 383.

Piraud Catherine. L'étudiant, 12/1999, n°213, p.68-70.

Bizot Catherine,  Fattet Jacques, Inspection générale de l'éducation nationale. Evaluation de l'enseignement dans l'académie de Poitiers. Note de visite d'établissement : Le Lycée Pilote Innovant.- 02/2001.

Sur les TICE avec des contributions d'enseignants du LPI

CRDP Poitou-Charentes / CNDP. Les Technologies de l'information et de la communication et le projet d'établissement. Assises Internationales - 16 et 17 décembre 1998.

CRDP Poitou-Charentes / CNDP. Comment évaluer l'apport des TIC à l'enseignement. Assises Internationales - 15 et 16 décembre 2000 [+ production d'élèves], un cédérom.- 2001.

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    Documentaliste, lycée Pilote Innovant, Futuroscope.

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