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Par Jean-François Cerisier
Publié en ligne le 30 juin 2009
L’histoire de l’usage éducatif des technologies qu’il est convenu d’appeler d’information et de communication (TICE) n’est ni homogène, ni linéaire. Une observation attentive permet de mettre en évidence des évolutions rapides alors que d’autres exigent des temps de maturation plus longs. Plusieurs chercheurs comme Georges-Louis Baron, Eric Bruillard1 ou Bruno Devauchelle2 proposent de structurer l’histoire des TICE en différentes périodes. Globalement compatibles, ces études divergent parfois pour proposer des découpages distincts. Des choix différents de déterminants expliquent en grande partie ces écarts. La lecture de leurs travaux est éclairante en ce qu’elle fait clairement apparaître plusieurs des facteurs dont les variations contribuent à expliquer pourquoi et comment la place et le rôle des TICE évoluent.
Manifestement, la technique, sur laquelle reposaient, il y a quelques années encore tous les discours relatifs des TICE est désormais suspecte dans ce type d’analyse. Personne ne pourrait pour autant nier que le déploiement de l’accès à l’ADSL, le développement de plates-formes d’édition personnelle (de type « blog » par exemple) ou encore la baisse des coûts des appareils photographiques numériques aient des répercussions très importantes et durables sur les comportements des utilisateurs d’outils de traitement de l’information. Les aspects techniques constituent à l’évidence l’une des clés de compréhension de l’histoire des TICE.
Les questions d’ordres pédagogique et didactique représentent une des autres facettes essentielles. On l’aborde souvent sous l’angle des pratiques, c’est-à-dire en s’intéressant aux aspects les plus concrets alors que l’on pourrait également opter pour un point de vue plus distancié qui cherche à identifier les modèles d’enseignement/apprentissage sous-jacents. Ainsi des pratiques qui connaissent ou bien ont connu un engouement relativement important masquent-elles, sous des dehors d’une évidence de modernité des démarches bien plus classiques. Le déploiement progressif mais massif des usages du visionnement collectif en est une illustration saisissante. Dans bien des cas, la mobilisation d’u appareillage complexe et coûteux (vidéo projecteur, ordinateur portable, tableau « interactif » vient instrumenter une démarche pédagogique des plus traditionnelles. Si tout choix technique détermine un ensemble de contraintes qui peut fortement colorer les usages, cet exemple montre qu’il n’existe pas de relation univoque entre les artefacts utilisés et le modèle pédagogique. Il (ne) s’agit (que) d’un ensemble de contraintes au même titre que la proxémique3 ou bien les caractéristiques individuelles et de groupe d’un ensemble d’élèves. Aujourd’hui, ce type d’analyse peut être appliqué aux réseaux en général et à internet en particulier. Si le discours ambiant valorise l’usage des réseaux sur un mode privilégié, qui est celui du socioconstructivisme, l’observation du terrain indique bien souvent que ces outils à forte connotation collaborative peuvent également donner lieu à des pratiques parfaitement transmissives.
Ce n’est pas tant une remise en question des pratiques pédagogiques anciennes qui est discutée ici –beaucoup d’entre elles demeurant fonctionnelles et efficaces au plan des apprentissages- mais le constat que certains usages de technologies ont montré un bel aveuglement de leurs auteurs. Il ne s’agit pas davantage ici de jouer les Cassandre : l’analyse a posteriori est plus aisée et moins risquée que la prophétie.
Le troisième niveau d’analyse s’attache aux institutions. Quels sont les objectifs des établissements scolaires et universitaires ? du ministère de l’Éducation nationale ? Pour quel projet éducatif et de société le coûteux déploiement des TICE est-il mobilisé ? Il est difficile aujourd’hui pour un observateur attentif des TICE (en France) de décoder les intentions des appareils politiques et/ou institutionnels.
Le chercheur aimerait parfois voir ces différents éléments s’agencer en un système cohérent accessible à sa compréhension. Bien sûr, il aura appris que toute réduction qui tendrait vers cette simplicité serait –au moins pour partie- illusoire. Toutes ces variables et d’autres encore (les équations personnelles par exemple) agissant en interaction, la situation ne peut qu’être complexe. C’est ainsi tout espoir de prédictibilité qui s’envole. Par exemple, il ne suffira pas de généraliser la connexion des usagers à un réseau à haut débit pour que des modalités de travail collectives s’instaurent. Cette incapacité à prédire est proportionnelle à notre (mé)-connaissance des processus en jeu. La nécessité de travaux de recherche interdisciplinaires et, plus simplement, pluridisciplinaires, apparaît aux yeux de tous. On observe l’émergence d’équipes de recherche de cette nature et des rencontres scientifiques comme RHRT témoignent également de cette démarche. C’est encore largement insuffisant pour contribuer de façon efficace à un pilotage éclairé de toute politique de développement de l’usage des TICE
Différents indices semblent indiquer que nous entrons depuis peu (quelques mois) dans une période nouvelle. Ce qui semble principalement la caractériser est qu’elle repose sur une logique d’industrialisation. Tant dans les discours que dans les actes, l’attention portée aux initiatives pionnières s’estompe au profit des programmes d’ensemble. Les programmes actuels portant sur les environnements numériques de travail (ENT), comme ceux portant sur les bouquets de ressources, relèvent de cette démarche. Des qualificatifs comme rationalisation, normalisation, généralisation mais aussi évaluation apparaissent de façon récurrente. Les différents niveaux d’analyse déjà évoqués brièvement doivent être mobilisés pour comprendre les processus à l’œuvre. Le niveau macro, en premier lieu, est celui de l’analyse socio-économique, politique et organisationnelle. Il doit être articulé avec les analyses du niveau micro, qu’elles se développent sur les plans pédagogique ou technique.
Ainsi, « l’objet » Environnement Numérique de Travail est-il aujourd’hui l’un des points d’entrée privilégié pour analyser et comprendre les enjeux des TICE. Cet ouvrage qui réunit des contributions recueillies au cours des journées d’étude RHRT 5 et RHRT 6, aborde ces questions en adoptant la diversité de points de vue qui nous semble indispensables et qui est constitutive du programme des rencontres Réseaux humains / réseaux technologiques. Seule la mise en perspective des témoignages et des travaux des enseignants, des étudiants, des chercheurs, des « institutionnels » et des industriels nous semble susceptible d’éclairer notre réflexion.
Pour citer cet article : Cerisier Jean-François (2005). "Les ENT seraient-ils l’objet idéal pour réfléchir aux TICE ?". Actes des 5 et 6èmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques. Poitiers – La Rochelle , 16 et 17 mai 2003 et 25 et 26 juin 2004. "Documents, Actes et Rapports pour l'Education", CNDP, p. 5-6.
En ligne : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document624.php
Notes
n° 5-6
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Jean-François Cerisier
Jean-François Cerisier est maître de conférences à l’Université de Poitiers. Il appartient à l’ERTe IRMA (Université de Poitiers) et au laboratoire Grame (Université Paris VIII).
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