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Débat : l’intranet pour renforcer la cohésion des communautés éducatives

Table ronde : L’intranet pour renforcer la cohésion des communautés éducatives

Par Michel Germain , Benoît Roques  et Alain Daillier

Animé par Jean-Louis Durpaire

Publié en ligne le 30 août 2006

Alain SCOAZEC :
L'intitulé de la table ronde portait sur les intranets « pour renforcer les communautés éducatives ». Les deux premiers exemples qui nous ont été montrés sont issus de l'entreprise ; le 3ème, celui de l'université de Poitiers, pour le présenter, Benoît Roques a même utilisé le mot « entreprise ». Ce n'est pas choquant en soi. Ma question est plutôt : est-ce que ce qui existe aujourd'hui dans l'entreprise est reproductible dans un contexte éducatif qui fonctionne sur des règles relativement différentes ? On a beaucoup parlé de management, par exemple. Même s'il existe aujourd'hui des directeurs de ressources humaines dans les rectorats, je ne suis pas sûr que ce mot ait complètement « percolé » le fonctionnement normal d'un établissement. Donc, c'est une question que je pose aux intervenants : quelle reproductibilité pour les systèmes éducatifs par rapport à ce qui a été dit de l'entreprise ?

Michel GERMAIN :
Il n'y a pas de modèles de l'intranet. L'intranet, c'est le reflet d'un environnement d'une collectivité et dans nos métiers de conseil en entreprise on dit : en matière d'intranet, on ne peut proposer que l'acceptable, en termes de mentalité, en termes de culture, en termes d'organisation ; il faut à chaque fois réinventer ce qui est faisable en la matière. J'ai montré des modèles parce qu'il faut montrer un peu la grande peinture mais à chacun, dedans, d'assembler par rapport à ses besoins la trame qui répond à ce qu'il attend.

Alain DAILLIER :
A France Télécom, je travaille sur le secteur de la santé et de l'éducation depuis peu. On était vendeur d'extranets et de solutions et la politique de France Télécom aujourd'hui et demain n'est pas en termes de vente de tuyaux et de trafics téléphoniques mais en termes de services. La stratégie de France Télécom, c'est justement d'amener, à commercialiser un certain nombre de choses, entre autres le e-learning. Le e-learning commence à arriver ; un certain nombre de sociétés commencent à le mettre en ligne. Nous, on commence à le pratiquer aussi en interne. Cela nécessite des outils, des budgets, du management du projet, mais aussi de l'expérience et un accompagnement des gens qui vont utiliser ce e-learning. Pourquoi commence-t-on à le pratiquer ? Parce que les outils arrivent et que dans une entreprise la formation coûte cher. A France Télécom, à un moment donné, cela a été jusqu'à 9% de la masse salariale. Le e-learning permet de diminuer ce coût-là mais avant d'arriver au e-learning, il faut bien posséder tous les outils de l'entreprise. Cela fait 4 ans qu'on a l'expérience d'un intranet et de tous les services. Nous en sommes à une phase de maturité qui va nous permettre de nous auto-former en ligne à partir des services qui nous sont donnés.

Benoît ROQUES :
La comparaison université - entreprise était volontaire. Actuellement, à l'université, il y a une volonté de moderniser la gestion. Quel modèle de gestion a-t-on pour cela ? Généralement, c'est le modèle de l'entreprise. On est aussi très influencé en matière d'internet et d'intranet par les outils qui nous sont proposés. Je crois qu'actuellement en ce qui concerne le e-learning et l'université, il y a complètement incompatibilité. Les outils de e-learning disponibles répondent à des savoir-faire managériaux qui sont à des années lumière de ce qu'on pratique à l'université.
L'intranet du DESS IME que j'ai montré, où on voyait un forum et un planning est réalisé avec un outil qui s'appelle Lotus QuickPlace. C'est une boîte à outils qui vise à fournir tout ce qu'il faut pour alimenter, pour faire vivre une communauté en ligne ; il y a des outils de gestion de tâches. Je programme une tâche au jour n qui se terminera au jour n+3 ; quand la tâche sera déclarée terminée, on avertira untel que la tâche est terminée pour passer à la suivante. C'est le genre de choses qui est là aussi à des années lumière de notre pratique pédagogique.
Un autre exemple. J'ai évoqué notre fameux système Apogée qui modélise les formations. On a un mal fou à modéliser nos formations par rapport à notre propre organisation et à notre présentation d'offre de formations à l'université. On pourrait dire : un module de gestion de niveau 1, c'est aussi valable pour une initiation à la gestion quand on fait des études de management du sport et aussi valable pour une initiation à la gestion quand on fait un DESS industriel. Ce module de management qui est fait par le même professeur, au même endroit, à la même heure parce que les responsables de formation se sont entendus pour que cela soit ainsi (cas très rare, je vous rassure !), ce module de formation dans le système d'information de l'université est modélisé 2,3,4 fois parce qu'il y a des modalités de contrôle des connaissances qui sont différentes, etc. Actuellement, le gros défi de l'université c'est de re-modéliser son offre de formations pour permettre effectivement ce e-learning.

Question de la salle :
Une question à l'intention de M. Germain. Le titre de cette table ronde, c'est « l'intranet pour renforcer la cohésion des communautés éducatives ». On a parlé de changement de structures, et vous l'avez très bien dit, il faut passer d'une structure pyramidale à une structure réseau. Pour la spécificité du monde éducatif, quelle modalité pour y arriver ?

Michel GERMAIN :
La vision des chemins est assez complexe. Je passe mon temps à dire que dans l'intranet et les nouvelles technologies, l'horizon recule au fur et à mesure qu'on avance. Il est toujours délicat de parler de pédagogie ou d'enseignement dans le cadre de l'intranet dans l'entreprise. Pourquoi ? Où commence la pédagogie ? Où commence le culturel ? Où commence l'enseignement ? Je donne un exemple : auparavant, vous aviez un monde du travail, vous aviez un monde de la formation distinct. Il y avait un temps pour travailler, il y avait un temps pour se former. Dès à présent, sans parler de e-learning, dans l'entreprise, quand on utilise la bureautique, Word par exemple, vous avez un didacticiel, vous avez un assistant qui vient vous assister également aussi. Cela veut dire que déjà la pédagogie commence à être en collusion par rapport au reste. Il y a tout un schéma d'évolution où tout est dans tout. La vraie difficulté est de dire : où commence le processus et à quel moment commencer à l'intégrer ? Je crois que le processus est déjà innervé sans qu'on s'en rende compte dans les outils qu'on utilise au quotidien. Alors, pour en revenir à votre question et à celle d'Alain Scoazec : est-ce que le modèle de l'entreprise est reproductible par rapport à l'université ? On a la structuration, elle sert aussi aux outils parce que je rappelle le monde internet/intranet : si l'université se dote d'outils propriétaires non communicants par rapport au monde de la connaissance et d'internet, il y aura un clivage. Je crois que la technologie est structurante et l'internet extérieur est structurant sur les modèles à concevoir en interne.

Jean-Louis DURPAIRE :
Je voudrais ajouter un mot en faisant référence au titre du séminaire qui nous réunit : réseaux technologiques / réseaux humains. Je me rends souvent dans les établissements scolaires pour examiner des projets. Je prends toujours soin de regarder d'abord comment l'établissement s'affiche sur internet. C'est un premier indice, pas du tout technique, qui permet de savoir comment la communauté se saisit de l'outil web. Est-ce que les pages que l'établissement propose sont à jour ou non ? Est-ce que l'établissement a conscience que ce qui a été fait à un moment, est encore affiché et n'a pas bougé depuis trois ans ou depuis trois mois ? Ce premier indice-là, il faut souvent que ce soit un observateur externe qui le porte.
Deuxième indice. Le Ministère a eu la bonne idée de proposer une enquête sur les technologies de l'information et de la communication. Avant il était difficile de savoir combien il y avait de micros et autres outils dans les établissements. Maintenant, on le sait. Il y a une très grande densité de micros : nos lycées, ici, ont une densité d'équipement de 1 micro pour 4 élèves. Parallèlement, il y avait une question dans l'enquête qui était : combien avez-vous d'adresses électroniques normalisées ? Le fait que dans l'établissement on ne réponde pas de manière exacte à cette question est un indice utile. Quand on vous dit : on n'a déclaré que 15 adresses et que vous interrogez, nos interlocuteurs ajoutent : il y en a beaucoup plus. Cela veut dire qu'il n'y a pas une pratique de communauté éducative où l'information circule. Ce ne sont que des chemins bien grands que je trace, ce n'est pas un intranet « complètement » organisé…
Quand on a un projet réseau dans un lycée, la première chose est que chaque professeur ait une adresse électronique. Comment commencer dans ces idées d'intranet sans faire qu'il y ait un minimum d'annuaire ? Ce sont des indices minimums. Il y en aurait bien d'autres qu'on pourrait lister. Quand, par exemple, chaque cadre ne lit pas lui-même son courrier mais le fait trier par quelqu'un d'autre, je dis que c'est quelque chose qui n'est pas encore dans la mentalité de l'internet et de l'intranet.
J'ai pris trois éléments un peu tristes. Il faut être objectif ! En 5 ans ou 6 ans, le volume de productions du système éducatif a été énorme. On n'a pas montré d'intranet de l'académie ou d'autres académies. Pourtant ils sont très riches. Dans le même esprit encourageant, le nombre de messages échangés tous les jours dans l'académie est impressionnant. De même, les accès au web académique, c'est là plusieurs milliers de communications par jour pour des sessions d'une quinzaine de minutes. Les choses bougent.

Question de la salle :
On n'a pas peu parlé des publics et j'aurais bien voulu savoir s'il y avait eu des études de faites sur les populations qui s'approprient plus facilement ce type d'outils que d'autres. Moi, j'ai le sentiment que les autodidactes sont des gens qui vont très vite avec cet outil-là et qu'on a des populations qui, elles, n'arrivent pas à se l'approprier.

Michel GERMAIN :
Réponse rapide : il y a des études extrêmement documentées. Les Américains ont une typologie en trois points : les boomers, c'est la population de l'après guerre dans laquelle il y a deux profils, il y a 90% de ceux qui n'ont rien compris au web, qui ne s'y intéressent pas; qui disent c'est après moi, je serai à la retraite, 10% qui sont actifs dedans et 5% qui ont pris le pouvoir parce qu'ils gèrent les projets importants. Les boomers viennent de l'écrit. Seconde génération de population, c'est ce qu'on appelle les X. Les X, ils ont entre 30 et 45 ans, ils ont un pied dans l'écrit, un pied dans l'écran, ils gèrent l'un et l'autre, ils oscillent entre l'un et l'autre. Pas de mal vivre, ils sont dans l'un et l'autre. Et il y a les Y et ceux-là, ils nous percutent parce que leurs modes d'assimilation, de compréhension et d'usage est totalement différent du nôtre, et certaines entreprises commencent à avoir deux sites : des sites pour les boomers et pour les autres. C'est la population qui utilise les portails, qui en 5 secondes trouve l'info ou ne la trouve pas et sort à ce moment-là et donc ces trois populations conduisent à des structures d'information et d'architecture d'information totalement différentes.

Pour citer cet article :  Germain Michel, Roques Benoît et Daillier Alain (2002). "Débat : l’intranet pour renforcer la cohésion des communautés éducatives".  Actes des Troisièmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques.  Poitiers,  19 mai 2001.  "Documents, Actes et Rapports pour l'Education", CNDP, p. 91-94.

En ligne : http://edel.univ-poitiers.fr/rhrt/document491.php

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n° 3

  • Alain Daillier

    Responsable du secteur Education / Santé, France Télécom Limousin Poitou-Charentes.

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  • Jean-Louis Durpaire

    Directeur du CRDP de Poitou-Charentes, chargé de mission académique aux technologies nouvelles.

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  • Michel Germain

    Société Arctus.

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  • Benoît Roques

    Chef de projet, Université de Poitiers.

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Vidéo de la table ronde : L'intranet pour renforcer la cohésion des communautés éducatives : Durée 1h 28 min.

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